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Germaine Greer, La femme eunuque

Voici un livre de poche publié en 1973, à la police de caractère de toute petite taille, au texte quasiment sans marges, comptant 450 pages, sans préface, à la couverture la plus horrible qui soit au monde ! Mais comment et pourquoi me suis-je procurée ce livre ? Je ne sais plus. Ce que je sais, c’est que j’aurais dû le lire quand j’étais jeune, cela aurait bouleversé ma vision des femmes, ma vision de moi-même.
Aujourd’hui, après avoir lu George Sand, Mary Wollstonecraft, Virginia Woolf, et tant d’autres grands auteurs, le livre de Germaine Greer a conforté les observations que je me suis déjà faites au sujet de la condition des femmes, de celles de nos mères et grands-mères, des miennes en tout cas.

Ce livre n’est pas un pamphlet contre les hommes, il est la revendication de son auteur pour les femmes, de leur droit à l’existence. Certes, il est sorti en 1970 et heureusement beaucoup de choses ont changé depuis, en ce qui concerne la vie des femmes, des enfants et leur éducation. Mais il y a encore beaucoup à faire, d’où l’intérêt de lire ce livre.
De fait, l’égalité des droits, dans les pays occidentaux surtout, sont réels. Ce qu’il reste à faire est « rectifier des perspectives faussées par nos préjugés sur la féminité, la sexualité, l’amour et la société, » dixit Greer. C’est déjà ce qu’écrivait George Sand dans Indiana : Il reste « à guerroyer contre l’opinion ; car c’est elle qui retarde ou prépare les améliorations sociales. »
Greer pense donc que « les femmes, en se libérant, libéreront aussi leur oppresseur. » (soit l’homme ou plutôt certains hommes). « Les hommes ont des raisons de penser qu’en tant que seuls détenteurs de l’énergie sexuelle et protecteurs universels des femmes et des enfants, ils ont entrepris l’impossible, surtout aujourd’hui où leur génie créateur a produit l’arme nucléaire. » Mais, ajoute Greer, les hommes sont prêts à partager les responsabilité et sont en quête d’un rôle plus satisfaisant. Mais les femmes ont-elles envie de partager, à la façon des hommes, la direction d’un monde qu’ils ont poussé au chaos politique, économique, écologique ?
Ce qui est sûr, c’est que les femmes devront inventer leur propre façon de vivre, devront expérimenter la liberté, et « la liberté nous fait peur. » Mais « les femmes ne chercheront pas à éliminer tous les systèmes au profit du leur. Si diverses que soient leurs solutions, elles ne seront pas nécessairement inconciliables car les femmes ne seront pas tyranniques. »

Germaine Greer a séparé son livre en cinq parties : Le Corps, L’Âme, L’Amour, La Haine et La Révolution, eux-mêmes divisés chapitres, chacun sur un thème précis, tel :
Le corps : « Chaque fois que nous réduisons le corps féminin à n’être qu’un objet esthétique, sans autre fonction que de plaire, nous portons atteinte à son intégrité physique et à l’équilibre physiologique de la femme. »
Dans le chapitre 6, La Matrice, Germaine Greer adopte des positions très tranchées et pour le moins inattendues, positions qui ont pu et peuvent choquer, qui, personnellement, m’ont un peu écœurée, mais qui ont l’intérêt de l’audace, de l’outrance de l’auteur qui veut faire réagir les femmes comme les hommes. Elle conclue : « La menstruation ne fait pas de nous des folles ou des infirmes, mais nous nous en passerions volontiers. »
Le chapitre 7, Le Stéréotype, se résume bien dans cette citation de Mary Wollstonecraft : « L’esprit, auquel on a appris depuis l’enfance que la beauté est le sceptre de la femme, se conforme au corps et, errant dans sa cage dorée, il ne chercher plus qu’à orner sa prison. »
Ce qui est remarquable, dans ce livre, est la façon dont Greer décortique et analyse les comportements des femmes qui ne sont pas libérées et des hommes qui ne sont pas féministes. C’est très juste et j’ai vu dans ces types de femmes, ma mère, ma grand-mère et, je dois l’avouer, un peu de moi à l’époque où j’étais perdue entre l’éducation que j’avais reçue, l’attaque que j’avais subie et celle que j’étais au fond de moi et que je cachais pour des motifs obscurs alors.

J’ai beaucoup aimé le chapitre 8, L’Énergie. « L’Énergie est l’élément moteur de tout être humain. Les efforts que nous accomplissons ne la dissipent pas mais l’entretiennent car elle a sa source dans la psyché. Elle est pervertie par les entraves et les répressions. » Quand l’énergie d’une femme est destructrice (pour elle-même le plus souvent, mais aussi pour son mari ou ses enfants), c’est que « cette destructivité n’est que de la créativité retournée contre elle-même par suite d’une frustration constante. »
Dans le chapitre 9, Le Bébé, Greer évoque Maria Montessori et c’est passionnant. Puis le chapitre suivant aborde l’éducation différenciée des filles et des garçons. J’ai moi-même un garçon et une fille. Je pense les avoir élevé de la même façon l’un et l’autre. Ils ont aujourd’hui 18 et 20 ans, et je crois que j’y suis arrivée. Ma fille n’a pas plus peur que mon fils du monde extérieur et elle se sent aussi libre d’être qui elle est que son frère. S’ils diffèrent totalement, ce n’est dû qu’à leurs caractères !

Arrivée à ce point de ma critique, je me rends compte que j’ai mis des repères sur une page sur deux du livre ! Donc, si vous voulez en savoir plus, il vous faudra lire le livre vous-même ! 😊
Ce que je peux encore vous dire est que, si des choses datent, certaines sont encore bien présentes dans notre société. Qu’il y a un chapitre sur les horreurs subies par les femmes de la part de certains hommes, je dirais plutôt : monstres, que je n’ai pu que survoler tant il est cru et insupportable.

Les pour, en plus de tout ce que j’ai déjà écrit :
Greer condamne le consumérisme, le fait de s’obliger à se transformer en un canon de beauté irréalisable et qui de toute façon n’est pas soi et beaucoup d’autres sujets.

Les contre :
Greer pense que la famille n’est pas une bonne chose. C’est une généralité. Certains s’oppressent et se déchirent dans la famille, d’autres y trouvent amour, soutien et épanouissement.
Greer recommande la consommation de marijuana ! Pas moi. Je crois que comme l’alcool, il faut savoir consommer cela avec GRANDE modération. Ou pas du tout, concernant la marijuana. Pour échapper à la réalité, un bon livre est idéal !
Greer, à moins que je n’ai pas bien saisi le sens de ses phrases, désapprouve les homosexuels et les  transsexuels. Il n’y a ni à approuver ni à désapprouver, chaque nature fait partie de la nature.
Greer pense aussi le communisme est une solution. Je pense que le communisme est un échec et quelques pays l’ont déjà prouvé ! Si chacun doit avoir les mêmes droits, nous ne sommes pas égaux en nature : certains sont plus travailleurs, plus intelligents, plus créatifs, plus acharnés. Les résultats de nos vies menées si différemment ne peuvent pas être les mêmes et ce serait injuste de demander à celui qui a coupé son bois tout l’été de partager son bois, l’hiver venu, avec celui qui a passé son été à bronzer à la plage.
Greer désapprouve aussi les romans d’amour et leurs Princes Charmants. Je comprends son raisonnement : ces romans font croire aux femmes au mythe de l’homme idéal, de l’amour unique, du mariage comme condition d’une vie de rêve. Oui, sans doute. Mais si on dépasse cela, les romans d’amour sont nécessaire à toute vie « normale » faite de doutes, de routine, de travail pas gratifiant, de corvées, des malheurs. La plupart des femmes qui lisent un livre dont l’amant est un homme charmant, attentionné, même romantique, ne méprisent pas pour autant leur mari commun. Chacun a besoin de rêver. Certaines d’un amoureux merveilleux, d’autres qu’ils sont des héros invincibles. Peu importe la forme du rêve pourvu que le rêve permette de supporter la réalité qui manque souvent de fleurs et de courage.

Maintenant, je ne sais rien de Germaine Greer à part ce livre que je viens de lire. Je ne me permettrait pas de la juger par ses écrits d’il y a 49 ans ! À deux reprises dans le livre, Germaine Greer évoque brièvement son enfance qui n’a pas été un chemin pavé de pétales de roses. Alors, on ne peut qu’admirer le chemin qu’elle a parcouru en pensée. Si l’humanité progresse à une lenteur d’escargot, l’être humain, lui, durant sa vie, peut changer et évoluer radicalement. N’est-ce pas merveilleux ?

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