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Simone de Beauvoir, Pourquoi je suis une féministe, 5

Simone de Beauvoir, le deuxième sexe, féminisme  Le reste est à lire ici : https://cms.e.jimdo.com/app/s4e2353acf2ed89c4/2809665824 Copyright © Gabrielle Dubois

Interview télévisée de 1975 sur iT1, émissions Questionnaire,
Extrait 5#

Question :
Vous dites sans rien de productif. Mais il y a beaucoup de femmes, parmi celles qui nous écoutent, qui considèrent que le fait d’élever des enfants, de réussir cette chose extrêmement difficile que d’amener la génération suivante dans le meilleur état possible, et en fait le poids en retombe pour l’essentiel sur les femmes, et puis même des petites choses qui soient effectivement d’avoir un intérieur qui soit agréable, de créer un cadre de vie, n’est pas nul, n’est pas quelque chose qui ne compte pas. Et, euh, comment est-ce que vous…

Simone de Beauvoir :
Je n’ai pas dit que ça ne comptait pas, j’ai dit que ce n’était pas productif, que ça ne fabriquait pas enfin, ce qu’on appelle des valeurs économiques, et dans ce travail qui peut être en effet, très… très intéressant et très enrichissant, il y a tout un côté, je parle là du travail ménager proprement dit, tout un côté de routine, de répétition, de recommencement et surtout il y a une terrible dépendance parce que finalement la femme ne peut faire ce travail que si par ailleurs elle est entretenue par un mari qui gagne sa vie. Et si jamais le mari, ou se prend d’une autre femme ou se fatigue d’elle, enfin s’il y a… ou s’il lui rend la vie impossible, s’il y a séparation s’il y a divorce, la femme se retrouve très souvent sans ressource. Et ça c’est une chose que je connais bien parce que depuis Le Deuxième Sexe, ce qui fait comme vous dites vingt-cinq ans, j’ai reçu énormément de lettres de femmes. Quantité de femmes qui se sont confiées à moi plus ou moins longuement mais enfin souvent avec même pas mal de détails, avec des correspondances qui s’en sont suivies. Eh bien un cas que j’ai retrouvé très fréquemment, c’est le cas d’une femme qui m’écrit vers trente ans, qu’elle s’est mariée dans l’enthousiasme à vingt ans, qu’elle trouvait que c’était tellement bien, justement, de tenir sa maison, d’élever ses enfants, qu’elle était parfaitement heureuse, et puis soudain, à trente ans, ça ne marche plus avec son mari ou c’est le mari qui la quitte ou c’est elle qui ne peut plus le supporter, et elle se retrouve sans rien, sans métier, avec la charge des enfants qui à ce moment-là deviennent une charge et non plus seulement un plaisir puisqu’elle est seule à assumer leur éducation et tout ce que ça comporte de travail pour elle, eh bien, très très souvent, elle regrette à ce moment-là amèrement de n’avoir pas pris un métier, de n’avoir pas, tout en se mariant peut-être, quand même conservé une certaine indépendance économique.

Question :
Et encore vous citez le cas de trente ans, mais à trente ans, il y a des possibilités de reclassement. A cinquante ans, c’est tout à fait impossible. Et les problèmes dont on se préoccupe  actuellement dans la réforme de la loi sur le divorce (lien) font allusion à ce genre de cas où en fait une femme de cinquante ans qui aurait élevé ses enfants n’aurait droit pratiquement à rien. Et comme bien entendu, elle n’a pas de métier, elle est sans aucun support dans la société actuelle.

Simone de Beauvoir :
Oui, c’est tout à fait vrai. Mais même si nous prenons quarante ans, ce qui est un cas aussi fréquent, à ce moment-là, vraiment, la femme, vraiment, n’a plus le temps d’apprendre un métier. Il y a des cas où il y a des reconversions qui sont vraiment étonnantes, mais ce sont tout de même tout à fait des exceptions et ça demande  énormément d’énergie à une femme pour arriver à se refaire une vie lorsqu’à quarante ans elle se retrouve seule, sans ses enfants car souvent ils sont partis, ils sont mariés, sans mari pour la soutenir et même d’ailleurs si elle a un mari, qu’il ne lui reste plus que ce mari avec qui elle s’entend plus ou moins bien, elle n’est pas insérée dans la société d’une manière qui soit pour elle bien intéressante.

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Vers le n°6# Simone de Beauvoir

 

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