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François le champi, George Sand

François le champi, George Sand

Relecture après… quelques décennies, mais c’est toujours un tel bonheur de lire ou relire George Sand.

Ce roman peut sembler juste charmant, et il l’est, mais il est plus que cela. L’amour en est le sujet, sous toutes ses formes : maternel, conjugal… le désamour aussi, la méchanceté, la médisance des âmes qui ne se suffisent pas à elles-mêmes, qui se sentent ou se croient pauvres, mal aimées ou inférieures et qui imaginent qu’en rendant misérables d’autres âmes, elles les mettront à égalité avec elles. Quand elles ont affaire à un humain qui fait le mauvais choix, elles peuvent l’entraîner avec elles. Mais quand elles croisent sur leur chemin un être doux mais fort, un être résistant qui malgré toutes les tentations, toutes les souffrances physiques ou morales choisit l’honnêteté, l’amour de son prochain, garde la conscience du bien, du beau et du bon, alors les êtres vils sont battus d’avance. Peut-être pas dans l’immédiat, peut-être pas même avant leur mort, mais leur bonté aura rayonné et fait perdurer le bien à d’autres générations.

George Sand ne faisait aucune confiance en l’Église, mais elle croyait en Dieu. Un Dieu de bonté qui n’envoyait pas la pluie demandée par le paysan pour ses champs, qui n’envoyait pas l’or réclamé par l’homme avide ou feignant. Non, Sand croyait en un Dieu qui vous envoyait la force demandée pour vivre ou survivre dans un monde dont les hommes ou la nature peuvent quelques fois sembler injustes.

François le champi est un roman émouvant. S’il a été jugé gentil, bon pour les enfants ou tout autre qualificatif péjoratif dans certaines bouches, c’est parce qu’il prône la bonté. Mais la bonté n’est pas une qualité de personne faible, loin de là! Il en faut de la force, de la volonté pour rester bon dans un monde méchant, pour vaincre le mal, la tentation du facile, et faire régner l’amour.

Et surprise du roman, et grande force de romancière de Sand, l’amour qui va gagner n’est pas celui qu’on pourrait croire, et surtout pas celui que son 19ème siècle a dû croire! L’amour n’a pas toujours le visage d’une jeune et très jolie jeune fille aux joues roses. Parfois, le cœur du beau héros n’est pas gagné par la beauté d’un corps frais, mais par l’âme et le cœur qui se cache dans une enveloppe humble et sans fard.

Et encore des personnages masculins et féminins bien campés, différents de caractères, de choix de vie, aux réactions cohérentes. C’est sans doute ce qui a fait oublier George Sand pendant plus d’un siècle: c’est qu’il n’y a pas dans ses romans un seul personnage de femme: jeune, gentil, joli, ou même deux, si l’on y ajoute une méchante femme. Non, chez Sand, la femme n’est pas un type général: chacune est différente de l’autre de même que les hommes ne sont pas tous les mêmes.

Il y a même dans ce roman-ci un  personnage de femme, Zabelle, qui oscille entre ses bons et ses mauvais penchants, ou plutôt entre son cœur qui a besoin de force pour se faire entendre et la faiblesse d’une Zabelle épuisée par une vie de misère et qui la tire vers des choix peu glorieux. Mais est-ce que la société (lectrice donc éduquée) du 19ème siècle était prête à admettre un tel tiraillement de la part d’une femme, la femme étant un être bon qui devait tout endurer sans broncher ? Et admettre que les mauvais choix de Zabelle étaient dus à son découragement face à la misère était admettre que la société ne fonctionnait pas de la même façon pour tous. Difficile…

Et Blanchet? De la mauvaise graine, comme on disait! Mais Sand, lucide, n’en fait pas une fatalité: elle le replace toujours face à des choix. Libre à lui de choisir le bien, le cœur. S’il ne le fait pas, tant pis pour lui, il n’aura jamais connu ni l’amour ni l’amitié.

Et le féminisme dans tout ça? Il est à chaque page, entre les lignes. Il est dans la force des femmes, dans la lecture de sa société qui ne leur offre aucune loi pour se défendre contre des hommes mauvais, dans les opinions fortes et tenaces de cette société d’hommes et de femmes qui ne donne qu’un rôle aux femmes et le même pour toutes, et qui condamne tout chemin en dehors des sentiers battus. Le féminisme est dans certains personnages masculins: un bon père qui ne veut que le bonheur de sa fille, un champi qui est critiqué d’aimer comme une fille, mais qui n’écoute que son cœur qui aime.

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