Liberté, Littérature, Courage selon Hugo et Gautier, par Gabrielle Dubois

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LIBERTÉ, LITTÉRATURE, COURAGE, SELON HUGO ET GAUTIER
par Gabrielle Dubois


Mais que sont donc devenus nos jeunes et libres chevelus Romantiques de 1830, après la bataille d’Hernani ? Se sont-ils rangés ? Ont-ils faibli dans leur convictions politiques, usés par les ans et les désillusions ? Ont-ils eu, ou pas, le courage de rester libres ? C’est ce que nous allons voir dans ce sixième article de notre série Liberté et auteurs du 19ème siècle.

Encore de la poésie et de la prose ? se demandent en soufflant les moins littéraires d’entre nous. Non, bien plus que cela… !
M. Hugo nous parlera libéralisme et liberté en politique et en littérature, et nous en apprendrons sur le courage, avec M. Gautier qui a osé garder sa liberté spirituelle à tout prix.

La liberté et ses conséquences par Hugo
On peut penser que choisir la Liberté, quand on est Victor Hugo, issu d’une famille riche, fils d’un général et comte d’Empire, doué d’un cerveau comme le sien, recueillant tôt les fruits de son travail littéraire, n’est pas un si grand sacrifice. Qu’est-ce que s’exiler à Jersey, puis Guernesey et y vivre confortablement dans une jolie maison avec domestiques, famille et vue merveilleuse sur la mer ? juste parce qu’on est en désaccord avec un prince-président qui fait un coup d’État pour instaurer le Second Empire et devenir Napoléon III.
Mais avant l’exil, la réalité est que, s’opposer, dans son journal L’évènement, dirigé par ses deux fils, Charles et François, au futur Napoléon III n’est pas sans conséquences. En 1850, le journal est suspendu et Charles et François Hugo se retrouvent emprisonnés à la Conciergerie.
Avoir la Liberté de ses opinions, au 19ème siècle, en France, avait son prix. Si vous souhaitez rencontrer Victor Hugo et ses enfants en prison, voyez le recueil Intérieurs d’auteurs.
Mais il en faut plus pour abattre de moral d’un Hugo père ou fils.

L’avenir sera beau et libre !
C’était là la conviction de Victor Hugo, après qu’il eut écrit Hernani et des années après encore :
« Jeunes gens, ayons bon courage ! Si rude qu’on veuille nous faire le présent, l’avenir sera beau. Le romantisme, tant de fois mal défini, n’est, à tout prendre, et c’est là sa définition réelle, si on ne l’envisage que sous son côté militant, que le libéralisme en littérature.
La liberté dans l’art, la liberté dans la société, voilà le double but auquel doivent tendre d’un même pas tous les esprits conséquents et logiques.
Les Ultras de tout genre, classiques ou monarchiques, auront beau se prêter secours pour refaire l’ancien régime de toutes pièces, société et littérature, chaque progrès du pays, chaque développement des intelligences, chaque pas de la liberté fera crouler tout ce qu’ils auront échafaudé. Et, en définitive, leurs efforts de réaction auront été utiles. En révolution, tout mouvement fait avancer.
À peuple nouveau, art nouveau. Tout en admirant la littérature de Louis XIV, si bien adaptée à sa monarchie, elle saura bien avoir sa littérature propre et personnelles et nationale, cette France actuelle, cette France du 19ème siècle, à qui Mirabeau a fait sa liberté et Napoléon sa puissance. » cf Violette au vent d’Autan.

La liberté et ses conséquences par Gautier
La famille de Théophile Gautier n’était pas celle de Hugo et il n’a hérité de ses parents qu’amour et goût de la littérature, ce qui est un bien bel héritage, mais qui ne nourrit, ne loge ni n’habille.
Tant de personnes dépendaient financièrement de notre poète : un premier fils (qu’il eut tôt) et la mère de celui-ci, deux sœurs célibataires, ses deux propres filles, dont l’écrivain Judith Gautier, et leur mère avec lesquelles trois il vivait dans une maison en location.
Bref, Gautier, étant responsable de ses actes, conscient de ses devoirs familiaux, fut toute sa vie à charge d’âmes. Mais la poésie était largement insuffisante à entretenir tout ce monde, dans ses divers appartements avec personnel de maison, même réduit. C’est pourquoi Gautier n’eut jamais la liberté de voyager autant qu’il l’aurait souhaité et d’écrire tous les romans et toutes les poésies qui ont disparus à jamais avec lui.
À la place, chaque semaine de sa vie, il dut, pauvre de lui ! remplir les colonnes de divers journaux de ses comptes-rendus de pièces de théâtre, d’opéras, de concerts, d’expositions de peinture, ce qui payait tout juste ses dépenses. Beaucoup de monde, donc, dépendait de son travail de critique.
Dans ces conditions, est-on toujours libre de choisir la liberté ?

Choisissez !
C’est Émile Bergerat, écrivain et beau-fils de Théophile Gautier, qui nous raconte cet épisode de la vie du poète libre :
« Le 21 juin 1867, la Comédie française reprit Hernani, soit trente-sept ans après sa sortie. Théophile Gautier (56 ans) était l’attrait principal de cette reprise. On se le montrait dans sa loge, souriant, rajeuni, sans son gilet rouge, mais toujours avec sa longue chevelure de lion, donnant le signal et comme la tradition des applaudissements. Mais on se demandait comment le critique du Moniteur, en position d’écrivain officiel, ferait pour parler de Victor Hugo dans le journal du gouvernement impérial.
Le lendemain Théophile Gautier apporta lui-même son article au Moniteur. One le pria d’en modérer les éloges et d’en adoucir le ton enthousiaste. Sans rien objecter, il prit une feuille de papier blanc et il y écrivit sa démission. Puis, s’étant fait conduire au ministère de l’intérieur, il posa devant M. de Lavalette son article d’un côté et cette démission de l’autre. « Choisissez », dit-il. Le ministre fit insérer l’article sans en changer un mot. »

La liberté, un sujet masculin et blanc ?
Peut-être, cf L’alibi.
N’en finirons-nous donc jamais de parler de Liberté ? Eh bien non, que voulez-vous ! le sujet est vaste, et encore, j’ai choisi de ne parler que d’un domaine : les auteurs du 19ème, voire, plutôt les auteurs du début du siècle, ceux que je préfère. Après tout, c’est ma liberté à moi !
Parce que si on étend le sujet à la Liberté de l’homme en général, il faut écrire sur cette merveilleuse année 1848 qui vit l’abolition de l’esclavage en France, cf Les confessions d’une autographe écrire encore sur la libération de la femme qui eut lieu en 18… euh, non, veuillez m’excuser, en 1944 avec le droit de vote qu’elles ont obtenu en France ! Ou en 1975 avec la loi Veil ? Mais je laisse ces deux sujets ô combien important à de plus techniciens que moi.
Par contre, et certainement vous voyez où je veux en venir, dans le prochain épisode de Liberté et auteurs du 19ème siècle, il sera grand temps de laisser la parole à une femme extraordinaire qui portait le pantalon et fumait le cigare…

Paru dans Contrepoints

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