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Les Femmes bagnardes, Odile Krakovitch

Les femmes bagnardes, Odile Krakovitch

Les responsables de déportation au bagne de femmes ? Deux régimes totalement différents : le Second Empire et la troisième République qui pourtant considéraient les femmes comme le "sexe faible".

On prétendit leur laisser le choix, leur offrir une terre promise, une terre de régénération, on ne fit que normaliser l’anormal, le monstrueux, légaliser massivement la mort.

Des femmes moururent aux bagnes de Guyane, de Nouvelle-Calédonie, subirent des horreurs durant les longs voyages en bateau, sur place, durent se marier à des bagnards pour peupler ces pays ; pauvres loques utilisées, épuisées et abusées moralement, psychologiquement, physiquement, elles ne furent pas en mesure de remplir le rôle que leur demandait la société : être un ventre au service de l’État « Les bagnardes furent des êtres isolés, sans foyer, sans famille, sans défense. Le ministre aux prisons les voulaient jeunes, célibataires, en bonne santé, si possible campagnardes, de la chair fraîche de qualité, en somme, voilà ce qui était demandé.

Combien de livres d’histoire ont été écrits sur les bagnes et leurs bagnards, combien de romans, combien de films ? Autant qu’on en veut. Quand et où a-t-on mentionné les femmes bagnardes ? Vous pouvez toujours chercher !

Merci Odile Krakovitch qui fait un remarquable travail sur une population méconnue et ô combien victime d’une société à la masculinité toxique. Pourtant, "les délits des femmes étaient plus défensifs qu’offensifs et répondaient surtout à un essai de survivre dans un milieu hostile. Les crimes, infanticides, meurtres, venaient plus d’une incapacité de gérer la vie et les difficultés que d’un désir de pouvoir et de richesse ou d’une volonté de révolte." Une très grande majorité de ces femmes avaient été condamné pour infanticide, le crime féminin du XIXème siècle par excellence. Il est le fait de femmes jeunes, pauvres et seules, fréquemment domestiques ou journalières. Au 19ème siècle, "la femme, maîtresse ou domestique, était" considérée comme "la protectrice, la gardienne de la maison, des biens de la famille. La voleuse faisait horreur au même titre que la mère qui tuait son enfant: elle refusait son rôle dans la société, elle sapait les bases de l’ordre. "

Pas étonnamment quand on connaît cette société, aucune femme bagnarde n’a été condamnée aux travaux forcés pour prostitution (considérée comme un délit). Doit-on supposer qu’on ne pouvait pas envoyer à l’autre bout du monde des femmes si utiles à soulager des besoins à Paris ?

Un livre très, très intéressant, complet, qui met en lumière toutes les facettes d’un pan d’histoire volontairement méconnu, un excellent, excellent et indispensable travail!

 

Gabrielle Dubois

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