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Barracoon, Zora Neale Hurston

Barracoon, Zora Neale Hurston

 

Alors là, je ne suis pas d’accord!

 

Voici le quatrième de couverture de ce livre:

 

"En 1927, la jeune anthropologue Zora Neale Hurston part en Alabama rencontrer Cudjo Lewis. À quatre-vingt-six ans, Cudjo est l’ultime survivant du dernier convoi négrier qui a quitté les côtes du Dahomey pour l’Amérique. Pendant des mois, Zora Neale Hurston va recueillir sa parole, devenir son amie, partager ses souffrances. Le témoignage de Cudjo restitue comme nul autre la condition d’un esclave: de sa capture en 1859 à sa terrifiante traversée, de ses années d’esclavage jusqu’à la guerre de Sécession, puis son combat pour son émancipation."

 

Alors, mettons les choses au clair avant que je vous donne mon avis: je suis contre l’esclavage, quels que soient ces origines, pays, races, formes et sexes.

 

Ceci posé, ce magnifique et émouvant récit, tant pour le témoignage en lui-même, la personne qui recueille, celle qui l’aide à le recueillir, que pour la personnalité de Cudjo ce "dernier esclave", et les conditions dans lesquels il est interrogé.

 

Là où je ne suis pas d’accord, c’est sur la présentation montrée plus haut. Cudjo, homme simple sans "éducation occidentale", commence, de façon fort intelligente par raconter l’histoire de son grand-père et de son père parce que, dit-il: "Je ne peux pas te parler de l’homme qui est le père si je n’ai pas parlé de l’homme qui est son père." Et il a tout à fait raison. Chacun de nous ne peut être compris ou ne peut se comprendre que quand il a appris l’histoire de ses parents et grands-parents, ou leur absence.

 

Donc Cudjo raconte son père et son grand-père en Afrique. D’une part ce récit, qui raconte la vie de cet Africain en Afrique jusqu’à ses 19 ans, prend la moitié ou plus du témoignage; d’autre part, il décrit un monde d’une violence insupportable: guerres sanglantes entre villages ou royaumes, attaques à la machette, têtes décapitées portées en triomphe au bout des lances, justice horrible où un homme qui a (peut-être) tué un autre est condamné à mourir sur la place du village, attaché bien serré face à face avec le mort, bouche contre bouche, nez contre nez. Le jugé coupable est toujours vivant, imaginez l’horreur! Mais il est considéré comme mort, alors, s’il pleure, implore pitié, demande à boire, personne ne lui répond, on passe à côté de ce couple macabre comme s’ils étaient déjà en terre. Que dire du sort des femmes? Si tu es un homme riche, tu peux en acheter plusieurs, de celles qui sont passée par la case grasse, tu sais, ses cases où on engraisse les adolescentes pendant des mois, jusqu’à deux ans, pour qu’elles deviennent si grasses qu’elles en perdent la santé, et la santé mentale sans doute. Le grand-père ou le père de Cudjo, je ne sais plus, a acheté une de ces pauvres adolescentes engraissées qui, malheureusement ou heureusement pour elle aurais-je envie de dire, est morte quelques semaines après. Voici les lamentations du "mari" quand il l’apprend: "Tous mes biens perdus pour elle! J’ai payé gros pour elle. Je l’ai engraissée et maintenant elle est morte! Je perds gros, là!".

 

C’est après une razzia sanglante dans le village de Cudjo qu’il est fait prisonnier par le roi africain vainqueur. S’en suit une longue marche de plusieurs jours ou semaines, où lui est les autres esclaves enchaînés sont ramenés vers le village vainqueur. Là, ils sont vendus à un Portugais qui va les amener jusqu’à la côte Atlantique, puis navire négrier jusqu’aux États-Unis.

 

Cudjo sera esclave pendant cinq ans, jusqu’à la Guerre de Sécession qui le libère. Il épouse une ancienne esclave, venue par le même bateau que lui. Mais il ne l’épouse pas comme son père et son grand-père avaient pris leurs épouses, non. Il lui demande si elle est d’accord, elle l’est. "Alors on vit ensemble et on fait tout ce qu’on peut, nous deux, pour se donner du bonheur."

 

Alors certes, tout n’est pas rose, loin de là. Quand un Blanc frappe ou tue un Noir, la Justice a pour nom Injustice. Et je vous laisse découvrir le reste du récit.

 

Deux choses m’agacent :

 

Premièrement, ce quatrième de couverture qui efface tout un pan de l’Histoire pour ne culpabiliser qu’une partie des esclavagistes. Des esclavagistes blancs ont été horribles et injustes, oui, et ce témoignage a une grande valeur et il est bien qu’il soit édité. Mais cela ne doit pas masquer la réalité d’un monde africain, dans certaines régions, à certaines époques, qui était tout aussi horrible.

 

Deuxièmement, je suis sûre que si des sociétés si inhumaines ou injustes ou inégalitaires pour les femmes ne sont pas à l’origine de toutes sortes d’horreurs. En fait, j’en suis quasiment sûre.

 

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