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Simone de Beauvoir, Pourquoi je suis une féministe, 6

Simone de Beauvoir, condition de la femme

Interview télévisée de 1975 sur iT1, émissions Questionnaire,
Extrait 6 :

Question :
Vous parliez tout à l’heure des réactions ou des lettres que vous avez reçues depuis le Deuxième Sexe, justement, au moment de sa sortie, même si ça n’était pas une œuvre militante à l’époque, ça a représenté, dans une certaine mesure, un scandale intellectuel pour beaucoup de gens. Quel a été l’accueil du Deuxième Sexe ?

 
Simone de Beauvoir :
En France, on pourrait dire que la chiennerie française, s’est déchaînée, parce qu’il y a eu une quantité d’hommes qui ont été absolument révulsés et même des hommes que je pensais être de gauche, que je pensais être libéraux, que je pensais être égalitaires, et qui ont été révoltés par ce livre.

Question :
Parce qu’on mettait en cause leur suprématie ?

Simone de Beauvoir :
Parce qu’on remettait en cause leur suprématie, parce que je « ridiculisais le mâle français », m’a dit par exemple Camus (lien). Ça a été beaucoup mieux accueilli en Amérique (USA), je dois dire. Parce qu’il y avait peut-être plus un sentiment d’égalité entre les hommes et les femmes. Dans l’ensemble, les femmes ont bien accueilli le livre et surtout d’ailleurs, c’est pas tellement dans l’année même de la parution, mais c’est petit à petit, petit à petit que, en quelque sorte que le sens du livre a été approfondi, accepté, accueilli et que j’ai reçu toutes ces lettres dont je vous parlais.

Question :
À ce moment-là, je crois qu’on a vendu près de 750 000 exemplaires aux USA seuls ?

Simone de Beauvoir :
Oh, au moins ! Je crois que maintenant on a atteint le million en livres de poche, naturellement.

Question :
Et en France, il y a eu un succès assez rapide…

Simone de Beauvoir :
En France il y a eu un succès rapide, mais je ne saurais pas vous dire les chiffres d’édition pour la France, je ne les sais pas. En tout cas maintenant que c’est également publié en livre de poche, je pense que ça a gagné plus de public. Mais enfin, j’ai eu des réactions très mauvaises. Par exemple, parmi les réactions qui m’ont déçue, il y a eu celles de certains hommes que je croyais égalitaires et il y a eu celles des communistes (lien) dans l’ensemble qui ont vraiment craché sur le livre. Je ne sais plus qui écrivait dans Les Lettres Françaises : « Les ouvrières s’en moquent bien de ce que l’on raconte là. » Ce qui est absolument faux parce que tous les problèmes dont je parlais concernent aussi bien les ouvrières et même peut-être davantage que la bourgeoise du 16ème arrondissement.

Question :
Et pourquoi les communistes sont hostiles à ces idées ?

Simone de Beauvoir :
Ils le sont moins, maintenant, mais enfin, c’est là toute l’histoire du communisme par rapport aux femmes, c’est une histoire assez compliquée parce qu’ils considéraient que le problème des femmes était un problème secondaire. Que la contradiction des sexes est une contradiction secondaire à cause de la contradiction de classes, qui est, elle, une contradiction primaire. Et vous savez que Janette Vermeersch a été longtemps très violemment contre l’avortement. Enfin, ils ont mis un peu d’eau dans leur vin maintenant, mais dans l’ensemble, les problèmes de femmes sont pour eux absolument subordonnés aux problèmes de classe.

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Vers le n°7# Simone de Beauvoir

 

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